Théâtre/Public n° 202: Kitsch et néobaroque sur les scènes contemporaines
décembre 2011
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Dossier coordonné par Isabelle Barbéris et Karel Vanhaesebrouck
©Blomstudio
Il y a, dans le théâtre contemporain, quelque répugnance à employer le terme et une grande méfiance quant à la caricature du théâtre et de l’art que cet emploi suppose : le « kitsch » a mauvais genre.
Il figure, de son aveu même, la quintessence de ce qu’il y a de plus bas, de plus dégradé, de plus décalé, de plus dé-généré en art. Mais c’est à partir de là que le kitsch devient aussi le lieu d’une revendication d’inversion, du retournement de ce bas « décadent » en valeur. Le passage au kitsch serait alors, d’abord, cette inversion à tous égards, manifeste, ostensible, ostentatoire, attentatoire, agressive, et qui se plaît, donc, à singer l’avers par l’envers. Macaque ou ouistiti, le kitsch singe et, parce que le public voit qu’il singe, il séduit.
On pourrait partir de là : que le kitsch est d’abord une posture observée comme culturelle et animale qui se définit, et que les spectateurs peuvent facilement définir, par un « surjeu » massif, apparemment transgressif, mais/et artificiel puisque saisi par son ostentation même. L’attitude kitsch, comme l’objet kitsch, marqueraient alors une distance plus ou moins ironique vis-à-vis de référents qu’ils font mine de ne plus révérer, si bien que cette valeur du bas, revendiquée comme telle, peut se limiter à la mise en place d’une simple inversion de type parodique, moderne, ou post-moderne.
L’enquête qui suit cherche ainsi à sortir de cette impasse en supposant que la théâtralisation, ou la spectacularisation revendiquée du kitsch est à même de dépasser la structure mimétique et parodique, ou le simple surjeu, pour produire, par la relation esthétique que cette distance ostensible induit, un espace déhiérarchisé, anticonformiste, antinormatif donc, en principe, libéré des normes esthétiques, de circulation et de partage des signes.
C’est alors que l’emploi du kitsch, donné comme moyen de communication esthétique, permettrait, de fait, d’opérer une ouverture théâtralisée vers autre chose que le monde fonctionnel moderne : une relation contre-nature, c’est-à-dire, contre-norme ; un envers expérimental, créatif, provocant et ouvert qu’il s’agit maintenant d’explorer.
Isabelle Barberis & Karel Vanhaesebrouck, Introduction
Olivier Lussac, Kitsch et avant-garde aux Etats-Unis dans les années soixante
Guillaume Bellon, Le kitsch manqué des Mythologies. Lecture du « monde où l’on catche »
- Reconstitution et fantasme néobaroque
Maarten de Pourcq, « Thongues that have gone wild », le néobaroque dans Heliogabalus de Fanny & Alexander
David Christoffel, Lakmé, démontage et colonies
Karel Vanhaesebrouck, Parsifal par Romeo Castellucci, entre maniérisme autoréférentiel et performativité baroque
Marin van der Jagt, J’ai vu deux ours… ROCOCO par Hotel Modern
Isabelle Barberis, La stylisation de l’énergie chez Benjamin Lazar
- Ramasser les fragments vermoulus d’un monde en miettes
Eric Vautrin, Pour ceux qui bougent ou l’auberge du mensonge le cœur léger
Florence Fix, K +K Anarchie
Esther Gouarné, Viva la naturisteraçion ! du Warme Winkel : une ode à l’Âge d’Or (ou pas)
Isabelle Barbéris, Deux masques et la plume de la compagnie du Zerep : le carton pâte au carré
Sheila Ghelani, « Je ne cesse de dire que je vais faire une performance avec moins d’objet, mais je n’y arrive pas », entretien avec Chloé Déchery
- Stratégies d’avant-gardes et stratégies politiques
Sarah di Bella, Une chorégraphie de la résistance. Le détail kitsch dans Salves de
Maguy Marin
Leila Adham, Un Hamlet kitsch par Nicolaï Kolyada
Francis Ducharme, Les Figures animalières et la guerre dans Bambiland d’Elfriede Jelinek
Rudi Laermans, Déconstruire le maniérisme médiatique : la trilogie BIG des Superamas
- Genre et identité
Christophe Alix, Le kitsch et la transgression : le cas des fluides corporels sur scène
François Frimat, La pointe kitsch de François Chaignaud
Marie Pecorari, « Je suis une femme indépendante » : quelques réflexions sur le kitsch du personnage de théâtre
Camille Mourier, Gary Glaser , un faiseur « byzantin d’icônes »
Asako Muraishi, Le monde illusoire de la Marie Vison : le kitsch scénique de Shûji Terayama
- Formes pop ou populaires ?
Frank Peeters, Arne Sierens, artiste urbi et orbi
Sylvain Diaz, Oser le kitsch, oser le théâtre : les Illusions comiques d’Olivier Py
Angèle Micaux, Dallas
Manu Laskar, My Second life 3D