numéro 10

N°10

Voilà où nous en sommes

Par Louis Cousseau

En 1966, naît un organisme, l'ATAC, pour permettre une large concertation des équipes de décentralisation implantées dans les régions, en réaction à un autre organisme le CNDC qui disparaît dans sa première année d'existence parce qu'il semblait à tous être très schématiquement une nouvelle tentative d'imposer des produits parisiens à la Province.

En 1966, naît un organisme, l’ATAC, pour permettre une large concertation des équipes de décentralisation implantées dans les régions, en réaction à un autre organisme le CNDC (Centre National de Diffusion Culturelle) qui disparaît dans sa première année d’existence parce qu’il semblait à tous – l’Etat y compris – être très schématiquement une nouvelle tentative d’imposer des produits parisiens à la Province. Dix ans ont passé : l’ATAC prouve qu’elle répond de plus en plus à un besoin. Dix ans, et l’Etat met à nouveau en place des structures très voisines du CNDC, dans des disciplines différentes : il s’agit de l’ONDA (Office National de Diffusion Artistique) dont le premier nom était Office National de Diffusion Culturelle, il s’agit des tournées d’exposition prévues depuis le Centre Georges Pompidou, il s’agit du CENAM (Centre National d’Animation Musicale) impulsé par la Direction de la Musique, et de bien d’autres établissements au niveau national ou démultipliés dans les régions mais qui ont en commun le même visage dans un système pyramidal…

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Il semble également que ONDA ait pour mission d’assister financièrement des Villes ou Associations qui expriment le désir d’accueillir une manifestation artistique. L’idée est intéressante mais le public – hélas c’est une réalité – ne peut demander que ce qu’il connaît, jamais l’oeuvre encore à naître. C’est cela le contrat de confiance entre un Etablissement de la Décentralisation et son partenaire naturel, la population : la possibilité de surprendre, de provoquer, ne pas répondre à l’attente mais la devancer, la dépasser, changer la demande. Et pour cela, il faut penser la création, l’animation, avant la diffusion. ONDA ne fera jamais connaître que ce qui est déjà connu et plus encore reconnu, c’est-à-dire rassurant ou à la mode. Alors, ma question est : puisque ONDA existe, et qu’il a déjà mené des opérations fort « dif­férentes » quelle est sa véritable fonction ? quelle sera sa politique ? Ne pourrait-on publier un rapport sur ses activités et connaître la liste et le coût de ses entreprises ?

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Notre tutelle, actuellement, donne le feu vert pour la réalisation d’un projet intitulé INTERTHEATRE. Il s’agit de mettre sur pied un organisme de ventes de places très sophistiqué et centralisateur, dont le premier objectif est le public potentiel de la région parisienne. A plus long terme, certaines régions pourraient faire l’objet de soins particuliers de la part des organisateurs. Les qualités et les faiblesses d’une telle entreprise seront étudiées par d’autres (la profession, théâtres subventionnés et théâtres privés, les syndicats, les associations de spectateurs). Ce qui m’intéresse personnellement aujourd’hui, c’est qu’un tel document fasse état de la possibilité de monter des spectacles en souscription. Encore une fois, les promoteurs partent des désirs supposés de l’acheteur. On imagine très bien le résultat d’une telle démarche : dans le pire des cas, on s’emploiera avant tout à cuisiner une savante galimafrée de « valeurs sûres » et dans le meilleur sollicitera-t-on le Picasso à venir de peindre le Guernica de demain ?

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Il nous est parlé depuis quelque temps de créer des « relais culturels » qui auraient un profil de petit Centre d’Animation Culturelle. Quelle serait leur nature, leur statut ? A leur sujet, la tutelle n’évoque- t-elle pas : « une collaboration avec des associations : amis de l’art, ciné-club etc … avec des amateurs éclairés, qui sont de possibles bénévoles » ? En ce qui nous concerne, nous avons des raisons de penser, que l’action culturelle et la création en seraient exclues et que seule la diffusion ou l’accueil demeurerait. Autant dire, un rôle voisin des théâtres municipaux. Alors, est-ce concurrence ou complémentarité ? Qu’en penseront les Villes ?

Il est question également de trouver pour la Diffusion de ONDA d’autres circuits qui pourraient s’appuyer sur des salles de toutes natures, des Musées par exemple. Comme il est question d’utiliser des circuits privés, à partir de quelque quatre cents salles de cinéma. Pour mieux comprendre le propos, il n’est que de lire le rapport « Edeline ». Faut-il préciser que pour tester le système, deux régions pilotes seraient retenues : l’Alsace et la Bretagne… Ces études de grande envergure laissent à penser que les établissements de la décentralisation qui ont pouvoir d’accueil pèsent d’un poids (quantitatif) fort léger face à cette chaîne à succursales multiples qui pourrait être mise en service, et au service des produits sélectionnés par les offices nationaux. Complémentarité ? Concurrence ? Ou plus grave encore, menaces d’étouffement pour toute manifestation artistique non calibrée dans la norme ?

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Pour citer cet article

Louis Cousseau, « Voilà où nous en sommes », Théâtre/Public numéro 10 [en ligne], URL : https://theatrepublic.fr/tp010-voila-ou-nous-en-sommes/

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