Pourquoi consacrer un dossier de Théâtre/Public à l’actualité de la mise en scène d’œuvres du passé ? Alors que, depuis presque trois décennies, la majorité des compagnies et des artistes sont sortis d’un rapport aux œuvres anciennes comme représentation du patrimoine théâtral, on peut même douter qu’il y ait une actualité. Dès 2005, Anne-Françoise Benhamou remarquait « combien semblerait démodée une réflexion sur les “classiques” »[1] et constatait dans le même temps la persistance des œuvres du passé dans l’imaginaire des metteuses et metteurs en scène comme des comédiennes et comédiens. « Mais justement, soulignait-elle, parce que le recours à ces œuvres n’a plus rien d’une évidence, il s’exprime aujourd’hui de manières très diverses »[2], qui ne se limitent pas à la mise en scène de ce que nous regarderions comme des chefs-d’œuvre. Les voies d’approche et les usages du passé se renouvellent et montrent quel régime d’historicité la scène actuelle explore. Pourquoi les artistes d’aujourd’hui se tournent-ils vers les répertoires anciens ? Qu’y cherchent-ils ? Que font-ils avec eux ?
C’est pour tenter de répondre à ces questions que nous proposons un état des lieux des productions théâtrales, lyriques, chorégraphiques contemporaines qui entretiennent un rapport direct ou indirect avec des sources prises à la première modernité au sens large, du XVIe au XVIIIe siècle. Loin du purisme archéologique et des prises de position qu’il suscite, nous avons été sensibles à la diversité des options esthétiques, à l’inventivité de certaines démarches, comme à l’urgence de la situation pour certains artistes ou certains théâtres. Dans un moment de crise des politiques culturelles, les lieux et les compagnies luttent contre une certaine standardisation ou une représentation parfois figée de la scène baroque, tout en cherchant à inventer de nouveaux modes de production et des gestes artistiques pertinents pour le monde d’aujourd’hui. Notre enquête s’est construite en étoile, à partir de certains terrains exemplaires (le Théâtre de Caen, l’année Molière) pour donner la parole à différents acteurs et actrices de la scène baroque. Il s’agit de faire émerger la fécondité des nouvelles approches qui hybrident formes et héritages, et qui ne cessent d’inventer des échos et des écarts entre un répertoire et notre temps.
Pour citer cet article
Fabien Cavaillé, Judith le Blanc, Claire Lechevalier, Caroline Mounier-Vehier, « Baroque au présent », Théâtre/Public numéro 250 [en ligne], URL : https://theatrepublic.fr/tp250-baroque-au-present/