24/11/2025
Actualités Théâtre/Public - Non classé
Hommage à Jean-Pierre Vincent
Le Théâtre Nanterre-Amandiers rend hommage à Jean-Pierre Vincent, disparu en novembre 2020
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24/11/2025
Actualités Théâtre/Public - Non classé
Le Théâtre Nanterre-Amandiers rend hommage à Jean-Pierre Vincent, disparu en novembre 2020
En 2017, dans le numéro 224 de Théâtre/Public, Olivier Neveux recueillait la parole du metteur en scène, pédagogue et figure majeure du théâtre public :
– Et quant à l’utilité du théâtre, sa fonction sociale : tu dirais quoi des pouvoirs du théâtre aujourd’hui ? De ce à quoi il sert, et de ce qu’il peut réellement ?
– Jean-Pierre Vincent : C’est de garder de façon publique l’intelligence en mouvement, le lien entre la surprise artistique (l’émerveillement) et la vision critique. De permettre à des gens, par des récits, des images, etc., de ne pas mourir idiots, ou de vivre actifs. La lutte contre l’aggravation des inégalités, contre la séparation des individus, l’aggravation de la situation écologique de la planète (de nous sur cette planète absurde), ce n’est pas dans le théâtre que ça se fera. Ce qui compte – je le vois bien dans les multiples rencontres avec le public –, c’est un échange actif de l’intelligence qui, j’ai le regret de le dire, ne se produit plus guère qu’au théâtre, et autour de lui.
– Mais qu’a-t-elle de singulier, cette intelligence au théâtre ?
– Jean-Pierre Vincent : C’est de permettre à des humains de prendre de la hauteur, de la distance, afin de penser le monde hors des filières obligées. Non pas le penser de façon pédagogique, mais de le penser avec des cerveaux plus libres, avec l’imagination qui est le propre de chaque être humain. Là où je souffre un peu en ce moment, c’est que depuis l’aventure Ravenhill à l’Ensatt, je n’ai pas vraiment rencontré de textes forts. Si nous n’avons pas des poètes majeurs qui naissent, ça va être très difficile pour le théâtre. Parce que les écritures de plateau, ou les fantaisies barbares de tel ou tel inventeur de théâtre aujourd’hui, ne vont pas faire époque, seulement symptôme d’époque. Mais notre époque ne fait plus époque, dit Stiegler. Peut-être que le rapport du langage avec le monde a été trop détruit par la révolution numérique – une aubaine pour le règne de la Phynance mondiale et ces Ubu qu’elle met au pouvoir ici et là. Les damnés de la Terre, dans le Nord ou en Ohio, votent à droite de la droite. Que feront-ils quand ça aussi aura raté ? J’espère que je ne serai jamais déprimé, mais aujourd’hui je suis pessimiste. À un ministre français qui lui demandait : « Monsieur le président, vous avez dû être formidablement optimiste en 1927 quand vous étiez cinquante à cheval sur les hauteurs de Shanghaï ? », le président Mao a répondu : « Détrompez-vous monsieur, j’étais tellement pessimiste que j’ai fait tout ça. » C’est une phrase qui m’a beaucoup marqué, et souvent les phrases qui te marquent c’est parce qu’elles te ressemblent.
« On ne peut pas faire époque tout seul » – Entretien relu et corrigé par Jean-Pierre Vincent, réalisé par Olivier Neveux, Théâtre/Public N°224 – Présences du pouvoir, est à retrouver dans son intégralité sur Cairn.info.
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